Olivier Bancoult, leader du Groupe réfugiés Chagos (GRC), déposant devant la Commission Justice et Vérité hier, a indiqué que son combat contre les Anglais s'achèvera le jour où la communauté chagossienne sera autorisée à s'installer de manière définitive sur l'archipel des Chagos. " Je ne mène pas cette lutte pour obtenir le passeport britannique. Loin de là ! Je me bats pour le droit fondamental de la communauté chagossienne qui m'a délégué pour déposer devant la commission Borraine ", a-t-il précisé.
L'accent sur la souveraineté est correct mais insuffisant, estime de son côté le commissaire Paramaseeven Veerapen. Réagissant, Olivier Bancoult dit partager cet avis et qu'il compte faire un pèlerinage sur le continent africain avec comme point de départ l'Afrique du Sud pour alerter l'opinion internationale sur le sort des Chagossiens… " Côté finances, nous sommes limités. Mais en organisant des activités pour une levée de fonds, nous parvenons à couvrir les dépenses de certains déplacements ", indique-t-il.
Le GRC, ajoute Olivier Bancoult, créera sous peu son siteweb. Le dirigeant du GRC dit ne pas croire dans la fermeture de la base militaire à l'expiration du bail en 2016. " Avec des sommes colossales dépensées par les États-Unis, je ne crois pas que les Américains partiront. Mo napa kroir dan bolom noel mwa. " De son point de vue, la revendication pour le retour des Chagos doit être entamée par le gouvernement en cherchant l'appui de la SADC, de l'Union africaine (UA) et du Commonwealth.
Olivier Bancoult affirme que les déracinés de l'archipel des Chagos ont été bouleversés par la vente de leurs îles en 1965 à une compagnie privée, cela sans aucune consultation avec les natifs. " Nous sommes un peuple indigène. Nous prions la Commission de faire son enquête à partir de l'époque coloniale jusqu'à 1965. " Dans les trois îles habitables - Peros Banos, Salomon et Diego Garcia - les Chagossiens, indique-t-il, menaient une vie paisible et formidable. " Tout le monde avait un emploi et un toit même s'il était couvert de chaume. " La construction d'une maison, dit-il, était autorisée même sans aucun contrat. " Quand on avait atteint l'âge de retraite à 60 ans, il n'y avait aucun ordre d'éviction. Les jeunes de 21 ans construisaient leur propre toit pour ne pas être dépendants de leurs parents. " La communauté qui y vivait, dit-il, était engagée dans la plantation de coco, utilisait ce produit pour la fabrication de l'huile " pou ekler sato leroi, larenn ".
Après les heures de travail, souligne le dirigeant du GRC, les Chagossiens s'adonnaient à des parties de pêche. " Il n'y avait pas de chômeur. On vivait avec cet esprit de partage. On était un. " En 1965, se souvient-t-il, Harold Wilson, Premier ministre d'alors en Grande-Bretagne, convoque des dirigeants mauriciens à Lancaster House pour leur proposer le détachement de cet archipel de Maurice pour en faire une base militaire. " Nous ne représentions pas de danger pour les Britanniques ou les Américains. L'Angleterre nous a déracinés avec en contrepartie accorder l'indépendance à Maurice. On ne nous a pas consultés. C'était une décision arbitraire et injuste ! " Il invite la Commission à reconnaître les injustices que les déracinés ont vécues. L'intégration des Chagossiens dans la société mauricienne, selon lui, est demeurée difficile. " Kalite travay ki ti ena Chagos pa ena Maurice. Adaptasyon inn difisil. Pa finn ena planifikasyon e formasyon pou nou integre isi. " Le gouvernement colonial, insiste-t-il, a commis un tort immense, a violé les droits universels des Droits de l'homme, a bafoué le droit fondamental de vivre sur la terre natale.
Après plusieurs victoires enregistrées en Cour d'Angleterre, le GRC a déposé sa plainte devant la Cour européenne des Droits de l'homme. " Notre cas sera entendu avant la fin de cette année. " Le gouvernement anglais, dit Olivier Bancoult, doit avoir honte, lui qui se fait passer pour un champion dans le respect des droits de l'homme. " Avec l'arrivée d'un nouveau gouvernement en Angleterre, nous gardons espoir pour un changement d'attitude. Nous espérons que la nouvelle équipe mettra fin à toute forme d'injustice à notre égard. Mais, je dois dire que tous les partis politiques quand ils se trouvent dans l'opposition se montrent solidaires mais, au pouvoir, ils changent leur prise de position. "
Côté Maurice, dit Olivier Bancoult, le gouvernement de Navin Ramgoolam se montre un peu plus sensible à notre cause. " Le gouvernement se concentre sur la souveraineté. Moi, en tant que simple natif, j'ai pris l'initiative de poursuivre le gouvernement britannique. Le gouvernement mauricien a un arsenal de moyens pour revendiquer la rétrocession des Chagos. Il peut solliciter les forums internationaux. Bizin aret dir friendly relations. Noule aksyon avek ki boukou perkitant. "
Par ailleurs, Olivier Bancoult ajoute qu'une étude menée auprès des Chagossiens a démontré que 89 % d'entre eux ont exprimé le désir d'y retourner. " Il faut aménager toutes les infrastructures. Déjà, il y a environ 4 000 étrangers sur Diego Garcia. Pourquoi les Chagossiens ne pourront-ils pas y vivre ? Un expert a dit que le relogement est possible. Les Anglais, eux, sont venus nous effrayer en disant que ces îles seront submergées avec le réchauffement de la planète terre. Nous sommes déterminés à aller revivre sur la terre de nos ancêtres. Nous pourrons faire développer toutes les îles avec leur 3 000 hectares sous plantation de cocotiers. La pêche est un autre secteur qui nous permettra de gagner notre vie. Il ne faut pas oublier que les plus importantes prises de thon sont faites dans les eaux des Chagos ", conclut-il.
Le Mauricien, 13. mai 2010
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